Andrew Bibby


 

 

Andrew Bibby is a professional writer and journalist, working as an independent consultant for a number of international and national organisations, and as a regular contributor to British national newspapers and magazines. He is also the author of a number of books.

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Un an après l'adoption de la recommandation n°193 de l'OIT:
le renouveau du mouvement coopératif






Cinq millions de litres de lait, cela permet de fabriquer une énorme quantité de beurre et de fromage! Or c'est justement le volume de lait qu'utilise chaque jour une coopérative laitière indienne pour le transformer en différents produits commercialisés dans tout le pays sous les marques Amul et Dhara. Cet énorme groupement coopératif, situé dans l'Etat du Gujarat, affiche un chiffre d'affaires annuel de 500 millions de dollars. Il regroupe douze coopératives de production laitière, installées dans différents districts. Celles-ci, à leur tour, travaillent avec des petits producteurs laitiers dans plus de 10 000 villages du Gujarat en leur permettant de transformer et de commercialiser leur lait sur la base d'un système de partage. Le président de la maison mère, V. Kurien, explique que le succès de l'entreprise est lié à sa structure coopérative.

"Nous sommes fiers de travailler dans un mouvement coopératif qui ne tolère aucune discrimination fondée sur la nationalité, la religion, la caste ou la communauté", a-t-il déclaré au cours de la dernière réunion annuelle de la société. Pour lui, les activités coopératives ont généré "une amélioration sans précédent" du niveau de vie des travailleurs et habitants des zones rurales, tout en permettant aux populations urbaines d'avoir accès à des produits frais et de bonne qualité.

A des milliers de kilomètres de là, on retrouve une situation semblable. Un petit groupe de graphistes installés sur la côte sud de l'Angleterre a créé la compagnie Wave, spécialisée dans la conception graphique. Leur expérience est certes différente de celle des producteurs laitiers du Gujarat, mais leur message est singulièrement identique. Wave s'enorgueillit d'être une coopérative qui appartient à ses salariés, crée des emplois et réinvestit ses profits dans la communauté locale. "Nous avons foi en notre engagement qui consiste à œuvrer au bien-être de ceux qui travaillent dans notre coopérative, de ceux avec lesquels nous commerçons, de notre communauté et de la société en général", explique la compagnie à ses clients.

Pour le secrétaire du Groupe des employeurs de la Conférence internationale du Travail , Antonio Peñalosa ( Organisation internationale des employeurs, OIE ), les coopératives peuvent jouer un rôle prépondérant dans les économies nationales. Ainsi, dans certains pays, elles sont devenues des affaires florissantes, comme, par exemple, le groupe Migros en Suisse, le Grupo Mondragon en Espagne ou encore la banque française Crédit Agricole. Ces coopératives sont souvent des membres actifs au sein des organisations d'employeurs et jouent un rôle important dans le développement national.

Les coopératives constituent une pièce maîtresse de l'économie mondiale. On estime à 800 millions le nombre de personnes membres d'une coopérative et à 100 millions le nombre de celles employées dans une coopérative, que ce soit dans l'agriculture, les finances, la construction de logements, le commerce de détail ou d'autres secteurs d 'activité. Pour Iain Macdonald, directeur général de l'Alliance coopérative internationale (ACI), basée à Genève, les chiffres parlent d'eux-mêmes: au Burkina Faso, les coopératives contrôlent 77 pour cent de la production de coton; à Malte, elles détiennent 90 pour cent du capital de l'industrie de la pêche; et, aux Etats-Unis, deux personnes sur cinq sont membres d'une coopérative.

Un an après l'adoption de la recommandation de l'OIT sur les coopératives, on observe déjà ses effets autant à l'échelon national qu'au niveau local.

En Afrique du Sud, l'OIT a aidé le gouvernement à mettre au point une stratégie en faveur du développement des coopératives. Celui-ci devrait promulguer prochainement une nouvelle loi visant à favoriser l'essor du système coopératif dans ce pays. Le gouvernement de la Guinée-Bissau a lui aussi adopté une politique nationale en faveur du développement des coopératives, qui s'inspire de la recommandation de l'OIT. D'autres gouvernements africains comme ceux de l'Ethiopie, de la Zambie et du Zimbabwe envisagent actuellement des initiatives semblables. En Amérique latine, les mouvements coopératifs ont organisé dix séminaires nationaux pour présenter à leurs membres la nouvelle recommandation de l'OIT.

La recommandation n° 193 a également été évoquée par le Parlement russe, la Douma, qui, en décembre dernier, a débattu autour de la question du développement des coopératives rurales. En Chine aussi, la fédération nationale des coopératives d'approvisionnement et de commercialisation a fait référence au texte de la recommandation lors de ses discussions sur la base conceptuelle du futur cadre légal des coopératives du pays.

Les coopératives sont d'une importance capitale pour atténuer la pauvreté et elles contribuent à la réalisation du Programme de l'OIT en faveur du travail décent . Elles sont avant tout une source de création d'emplois, notamment dans les secteurs économiques et les zones géographiques où les entreprises classiques ont du mal à être suffisamment rentables pour leurs actionnaires. Elles permettent également de sauvegarder des emplois quand des producteurs ou des entreprises en difficulté s'associent pour rester en activité.

Par ailleurs, les coopératives constituent une véritable bouée de sauvetage pour les personnes défavorisées qui, notamment dans les pays développés, n'ont pas accès aux services sociaux de base tels que les soins de santé, les structures d'accueil pour jeunes enfants ou pour personnes âgées et autres services fournis par la collectivité.

Enfin, les coopératives offrent aux travailleurs de l'économie informelle la possibilité d'être en contact avec le secteur formel, à travers leur participation accrue aux processus de prise de décisions et aux négociations avec la clientèle concernant les conditions commerciales et les prix.

Au niveau international, les coopératives se définissent par rapport aux sept principes fondamentaux adoptés en 1995 par l'Assemblée générale de l'ACI. Ces principes mettent l'accent sur le caractère démocratique des coopératives, notamment le principe de l'adhésion ouverte à tous, sans discrimination fondée sur le sexe, l´origine sociale, la race, l´allégeance politique ou la religion. Ils incluent également le principe "un membre, une voix", ce qui permet aux femmes de participer à la vie des coopératives sur un pied d'égalité avec les hommes. Les coopératives se définissent également comme des organisations autonomes d'entraide, gérées par leurs membres.

Ce dernier point n'a pas toujours été bien compris par les gouvernements, qui ont parfois soutenu le mouvement coopératif dans le but de favoriser le développement économique pour ensuite tenter de transformer les coopératives en instruments au service de l'Etat. C'est pourquoi la recommandation n° 193 souligne explicitement le caractère participatif de la coopération. Comme l'a souligné le Directeur général du BIT, Juan Somavia, devant la Conférence internationale du Travail de 2002, "les coopératives constituent un facteur de progrès social puisqu'elles permettent aux catégories les plus défavorisées de participer au développement économique ; elles offrent des possibilités d'emploi à ceux qui ont des compétences, mais peu ou pas de capital, et elles sont une source de protection sociale à travers les structures d'entraide qu'elles créent au sein des communautés".

L'Alliance coopérative internationale, qui traverse elle-même une phase de renouveau, considère la recommandation de l'OIT comme un instrument précieux pour ses activités. "C'est la première fois depuis longtemps qu'une organisation internationale aussi prestigieuse que l'OIT adopte une politique officielle en matière de développement coopératif", a déclaré Iain Macdonald. A lui maintenant de faire en sorte que cette politique soit mise en œuvre, a-t-il expliqué. "Le plus difficile, c'est de faire comprendre aux gouvernements l'importance de ce nouveau texte", a-t-il ajouté.

This article by Andrew Bibby, in a slightly different form, was first published in Travail magazine, 2003

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